Te Djubéa, un partenariat scellé pour l’avenir


9 août 2018


Terrain de rencontres et de coutumes entre clans de la mer et de la terre, Nê Dju (Nouville) accueille aujourd’hui le nouvel espace de soin de la Nouvelle-Calédonie. La reprise des travaux et la signature du protocole en 2015 ont marqué le début du partenariat entre la clinique Ile Nou Magnin (INM) et les grandes chefferies Kambwa et leurs clans alliés.

Initialement placé sous la zone d’influence coutumière des grandes chefferies Kambwa (principalement chefferie de Saint-Louis Wamytan et de Païta), le terrain de Nouville, « en langue Nâa DrubeaNê Dju, soulignent Austin Païta chef de clan kambwa et Roch Bâadi Wamytan, chef de clan des Wamytan, était à l’origine une tribu, un lieu de passage et de rencontre entre les clans qui remontaient vers Païta, ou descendaient dans le Sud. »

« C’est la raison pour laquelle il y a autant de clans différents qui se revendiquent d’être sur ce terrain, car à un moment ou à un autre, ils sont restés là, voire même se sont installés », précise Rezza Wamytan, secrétaire du GIE Tedjubéa.

Aux îles, les terrains appartiennent aux grands chefs. Ce qui n’est pas le cas pour l’aire Djubéa Kapone. « La grande chefferie assure la partie administrative, le lien social, la gestion, précise le président du GIE Tedjubéa, Augustin Païta. Mais la gestion du foncier est faite par les clans terriens. »  Or, aujourd’hui, chacune des composantes des grandes chefferies Kambwa et leurs clans alliés vivent sur leur foncier, dans les tribus de Païta, de Saint-Louis et de Conception. « De ce fait, nous n’habitons pas sur Nouville, ce qui a laissé la place aux gens de s’installer. Du coup, par leur attache historique et clanique, certains se revendiquent aujourd’hui de l’endroit. » Ce qui a rendu plus compliqués les échanges et négociations. Pour autant, après un début de chantier difficile, le protocole d’accord a permis d’envisager un partenariat entre INM et les grandes chefferies Kambwa Bwei et clans, en qualité de gestionnaire.

 

Former et embaucher

 

En 2015, les institutions ont en effet demandé l’accompagnement des coutumiers sur le dossier. « Une fois que le projet de clinique sur Nouville a été acté en interne au niveau coutumier, ce qui nous a demandé bon nombre de réunions, nous avons porté le projet en relançant le chantier par l’intermédiaire du GDPL Kambwa Wetcho qui été le coordonnateur et la structure référente pour cette phase de reprise », rappelle Rezza Wamytan.

À l’issue de longues négociations, le conseil d’aire Djubéa Kaponé a présenté les grandes chefferies Kambwa Bwei et clans alliés comme étant l’interlocuteur des autorités compétentes. « Le conseil d’aire a acté notre légitimité dans ce dossier et nous sommes ainsi devenus un partenaire naturel des cliniques », insiste le secrétaire du GIE. Pour mémoire, il faut rappeler que la seule revendication foncière du terrain de Nouville et Nouméa auprès de l’Adraf est celle des grandes chefferies Kambwa Bwei et clans alliés en 1982, suivie sur le terrain de la construction d’une case Kambwa en face de la polyclinique actuel brûlée par les milices du RPCR de l’époque en 1984.

En sa qualité de garante du projet, les grandes chefferies a toujours insisté, et notamment dans le protocole de 2015, sur la nécessité de former et d’embaucher des locaux. « Notre souhait est de sortir les gens des tribus, de les rendre employables et de les monter en compétences. » Pour ce faire, un interlocuteur « économique » a été proposé, regroupant des sociétés déjà existantes de l’aire Djubea comme membres fondateurs du GIE Tedjubéa (Mélanésien Concept, Sarl Turyah, Sas Keteveta, et la Sarl UC.MIT).

 

Gardiennage et bio nettoyage

 

Le GIE Tedjubéa est donc chargé de rendre employables les salariés, de proposer les services de ses sociétés, de suivre l’évolution du chantier de construction, de se projeter dans la partie exploitation avec INM, et de suivre l’intégration de la signalétique kanak. De la signature du protocole à aujourd’hui, on compte plus de 65 réunions plénières avec les constructeurs, le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage et trois visites de chantiers avec les représentants des grandes chefferies Kambwa. Le GIE Tedjubéa est l’interlocuteur et le partenaire de INM sur le chantier. Il s’est ainsi positionné sur différentes activités, à commencer par celle du gardiennage pendant et après le chantier, mais également sur l’activité de bio nettoyage qui sera assurée par l’une des structures dépendantes du GIE. En amont, un plan de formation en bio nettoyage a donc été monté avec la DFPC pour permettre aux premières équipes de prendre possession des murs de la clinique de Nouville, avant le déménagement. Le GIE s’est chargé du recrutement. « Pas moins de 200 CV ont été reçus, et 40 personnes seront recrutées en plein régime. ».

Pour les soins infirmiers, des discussions avec l’école d’infirmières (IFPSS) sont en cours. « Une dizaine de candidats au titre d’aide-soignant se sont d’ores et déjà présentés. »

 

Djii, « la première fois où l’on voit la lumière du jour »

 

INM s’est par ailleurs engagé à travailler en partenariat avec le GIE sur la charte visuelle, l’image de la clinique, afin d’y intégrer l’identité kanak.

En termes de signalétique, une concertation avec les représentants des grandes chefferies a permis d’identifier certains espaces et de leur donner un nom en Djubéa Kaponé. « Par exemple, la maternité est la maison des bébés, et se traduit par Mwa Apea », souligne Rezza Wamytan. La salle d’accouchement, s’appellera le Djii, qui signifie la première fois où l’on voit la lumière du jour. « Plus que la traduction littérale, c’est la fonction que nous avons souhaité mettre en avant », relève Augustin Païta.

Autre forme de reconnaissance prévue dans le protocole d’accord, la construction d’une case en face des urgences de la clinique. « La case représente les grandes chefferies Kambwa Bwei et clans alliés. » Elle a deux portées symboliques. La case est tout d’abord la maison, là où on reçoit, où on élève les enfants. « Mais elle est aussi un lieu de coutume, un espace offert par les grandes chefferies à tous les autres clans et à toutes les communautés qui ont besoin d’un endroit privilégié dans cet établissement de soin pour pouvoir faire les échanges coutumiers (notamment au moment des naissances, ou lors de décès) », insiste Roch Bâadi Wamytan. La case sera ouverte à tous ceux qui ont besoin d’y venir.

Pour marquer ce partenariat, les grandes chefferies ont prévu une cérémonie coutumière à l’ouverture de la clinique.

 

» Voir toutes les actualités